L’insoutenable paradoxe des épreuves uniques

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J’ai déjà écrit à propos du format des épreuves uniques qui est dépassé. Hier, le MÉES nous a donné un nouvel argument démontrant clairement que ses fameux examens sont bel et bien désuets. Probablement que dans vos écoles, vous avez entendu parler de l’Info-Sanction du ministère stipulant que les calculatrices graphiques sont désormais interdites alors qu’elles étaient permises ou tolérées depuis au moins une quinzaine d’années. Oui, vous avez bien lu : au tournant du siècle, aucun problème pour une calculatrice à affichage graphique, mais aujourd’hui, avec tous les bouleversements technologiques dans notre société, on retire cet outil.

Profonds paradoxes

Le problème, avouons-le, ce n’est pas l’outil : calculatrice à affichage graphique ou non, Desmos, les iPad et les autres outils de simulation, etc., c’est du pareil au même. Le problème est le format de l’épreuve; c’est une épreuve unique dans tous les sens du mot : un seul examen, fait individuellement, qui a lieu à un seul moment pour des dizaines de milliers d’élèves, avec un seul outil, une seule grille de correction, etc.  Celle-ci va pourtant dans le sens contraire des impératifs de différenciation pédagogique mis de l’avant par ce même ministère. Bref, chers enseignants, adaptez votre enseignement aux élèves qui sont dans vos classes. Laissez-leur le choix des outils à utiliser. Offrez-leur des perspectives d’approfondissement de la matière et donnez-leur des choix pédagogiques à faire en lien avec leur processus d’apprentissage. Reconnaissez la différence et la diversité et valorisez l’hétérogénéité. Et surtout, donnez aux élèves des occasions de collaborer dans la réalisation de tâches complexes.

En parallèle, cependant, le ministère évalue la singularité, l’uniformité et l’homogénéité. Pas fort ! Restreindre le choix des outils à une épreuve ministérielle est un pas en ce sens. Quels paradoxes !

Une finalité en soi

Devons-nous le rappeler ? L’évaluation fait partie du processus d’apprentissage. Or, dans l’état actuel des choses, les épreuves ministérielles sont une fin en soi. À l’heure actuelle, en science, mathématique et histoire de quatrième secondaire, les activités d’enseignement sont orientées vers la réussite de l’examen. Comme le cite Mario Asselin dans son article de ce matin, c’est le fameux teach to the test. Ce n’est pas pour rien que les enseignants de ces matières verbalisent souvent leur difficulté à enseigner autrement et lorsqu’ils le font, ils se font souvent rabrouer par leurs directions d’écoles, les parents de leurs élèves ou leurs élèves eux-mêmes. Chaque année, en quatrième secondaire, la panique prend, le stress monte d’un cran. Les enjeux sont grands et la réussite aux examens est une partie importante de ces craintes qui se renouvèlent annuellement, une cohorte après une autre…

Des pistes de solution

N’y a-t-il pas moyen que les élèves démontrent leur compréhension autrement en mobilisant les ressources de leur choix ? N’est-ce pas une des particularités des compétences à développer au 21e siècle, soit d’être en mesure de mobiliser les outils et les ressources nécessaires pour résoudre des problèmes complexes et représentatifs de la réalité ? N’est-ce pas l’essentiel du développement des compétences ?

Il faut revoir le format des épreuves ministérielles pour mettre l’accent sur le développement global de l’élève, son éducation au lieu de se borner à valider des connaissances souvent décontextualisées ou encore vérifier l’état du développement des compétences sur des feuilles 8 ½ x 11. Il y a certainement une façon à imaginer pour rendre ces épreuves plus signifiantes.

Pourquoi les épreuves uniques ne seraient-elles pas une série de consignes à fournir à des enseignants en leur laissant le soin d’élaborer ladite épreuve eux-mêmes ? Pourquoi ne pas mobiliser les équipes-écoles en ce sens ? On ferait une pierre, deux coups : revamper des épreuves désuètes dont le format a peu changé en comparaison des approches pédagogiques sur le terrain tout en permettant aux enseignants d’exercer leur autonomie professionnelle. Ne sont-ils pas les mieux placés pour savoir ce qui est le mieux pour l’élève ? Il y a certainement lieu de décentraliser ces épreuves ministérielles, quitte à les faire approuver par le ministère l’automne précédant la session d’examens de juin.

La fragilité des épreuves ministérielles

Les épreuves ministérielles sont fragiles et vulnérables. Quand ce n’est pas un certain coulage qui annule une question ou une partie d’un examen, c’est un examen trop court ou trop long ou encore trop facile ou trop difficile. Bref, non seulement ces épreuves ne font-elles pas l’unanimité au sein de la communauté des professionnels de l’éducation, mais en plus, elles sont totalement vulnérables aux aléas de la vie moderne : médias sociaux, facilité de tricherie, coulage, calculatrices, feuilles de notes, etc. N’est-ce pas un signe comme quoi leur format n’est plus adapté aux réalités scolaires actuelles ?

Pendant ce temps, je ne peux que souligner le superbe paradoxe et l’inconséquence du MÉES qui incite ses enseignants à se connecter (dans tous les sens du mot) alors que lui-même choisit de se déconnecter (dans tous les sens du mot, encore une fois !).

Autrement dit, faites ce que je dis et non ce que je fais. Et pendant ce temps, on envoie encore des signaux contradictoires au personnel scolaire qui travaille sur le terrain, lequel doit improviser dans bien des cas.

Lorsque le MÉES tangue, c’est tout le système scolaire qui tergiverse ! À quand un vrai leadership visionnaire, conséquent et cohérent en éducation ?

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