La puissance du blogue

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De plus en plus, on voit des espaces de blogues émerger. En y pensant bien, cela était inévitable puisque, grâce à l’avènement des médias sociaux jumelé avec cette effervescence qui caractérise le monde de l’éducation actuel, il fallait bien s’attendre à ce que des praticiens envahissent la blogosphère pour rendre compte de leurs approches pédagogiques.

L’idée de cet article est venue il y a quelques semaines alors que mon collègue ontarien Marius Bourgeois a publié un intitulé La question se pose et où il fait état des avantages du blogue pour les directions d’écoles. Également, lors d’un cours à l’Université de Montréal auquel j’étais inscrit l’été dernier, nous discutions du fait que le blogue était devenu un outil d’explicitation des pratiques. Nous y reviendrons.

Bloguer pour apprendre
À première vue, on pourrait croire que le blogue est une activité altruiste et qu’elle ne bénéficie qu’au lectorat. Or, on néglige souvent ceci : pour le blogueur, c’est une occasion inespérée de rassembler ses idées et d’entamer une démarche de réflexion sur sa propre pratique. C’est un des rares moments où le professionnel accepte de se soustraire à l’urgence du moment pour ainsi s’offrir un espace de réflexion sur différents éléments qui constituent son quotidien scolaire :

  • Un retour sur des événements antérieurs pour en comprendre les rouages;
  • Un retour sur nos réactions relatives à ces événements pour essayer de comprendre comment et pourquoi nous réagissons d’une telle façon;
  • Rendre compte de nos trouvailles, de nos expériences, de nos réussites et de nos échecs;
  • Prendre position;
  • Partager son expertise ou, à tout le moins, la diffuser pour qu’elle puisse aider ou inspirer nos collègues;
  • Informer ou relayer des sources informatives (site web, livres, articles de journaux ou de périodiques, etc.);
  • Etc.

Lorsqu’il est question des pratiques professionnelles, il semble que les professionnels qui ont un haut degré de compétence aient de la difficulté à verbaliser les éléments que constitue leur propre pratique. La raison est simple : ils savent tellement quoi faire au moment opportun et en plus, ils savent comment le faire de façon presque spontanée et irréfléchie. Ces actions professionnelles automatiques échappent à notre conscience puisque les gestes ont souvent été réalisés machinalement ou automatiquement. Le blogue peut donc devenir un outil d’explicitation de nos pratiques alors qu’on détaille nos actions pour les rendre accessibles à notre conscience. On mobilise notre propre expérience comme levier dans l’atteinte d’un plus grand degré de compétence. En réussissant à verbaliser ou écrire sur ce que l’on fait, cela nous permet de mieux saisir l’ampleur de nos actions.

Bloguer, c’est un pas de plus vers une mentalité de croissance professionnelle.

Bloguer pour déranger
Le blogue est aussi un outil de saine provocation. Il permet de véhiculer d’autres points de vue que ceux normalement véhiculés par les canaux culturels traditionnels. Pour en apprendre davantage sur sa profession, à l’heure des changements en éducation, les blogues sont une source intarissable d’information.

La culture du silence est bien imprégnée dans les moeurs du système scolaire. Bien sûr, il faut briser ce moule du silence qui façonne trop d’intervenants scolaires. Ce silence est un symptôme d’une tradition conservatrice trop bien ancrée dans nos écoles : il ne faut surtout pas déranger les habitudes ou les routines de ses collègues. Pourtant, comme je l’écris dans mon livre :

l’école n’est pas un havre à l’abri du changement. Elle en est l’incubateur.

Ce ne sont pas uniquement les élèves qui doivent voir leur quiétude intellectuelle bouleversée; les enseignants et autres professionnels de l’éducation aussi !

Bien évidemment, bloguer signifie se rendre vulnérable aux railleries des autres. Il est en effet incontournable que certains de vos lecteurs vous dénigrent, mais rassurez-vous : avec la majorité de votre lectorat, vous ouvrirez un espace de débat qui, à défaut de se tenir en votre présence, il finira par naitre dans les écoles ou dans divers contextes et chez différents intervenants : des parents, des enseignants, des directions d’école, des professionnels et même, possiblement, des décideurs publics réutiliseront vos arguments.

Vous ne ferez pas que des heureux ! Pour paraphraser encore une fois, il est vrai que quand on essaie de faire différemment, ça dérange. Il est d’autant plus vrai que quand on réussit à faire différemment, on dérange encore plus. Si, en plus, on parle haut et fort de nos réussites (ou qu’on blogue à cet effet), c’est comme ajouter l’insulte à l’injure ! Nous sommes perçus comme étant prétentieux, vantards dans un monde où l’humilité et les belles valeurs judéo-chrétiennes de modestie, pudeur et de résignation, prédominent. Il faut changer de mentalité :

Il ne suffit plus de se soumettre à plus grand que soi. Au contraire, il est question de s’élever pour faire partie de plus grand que soi !

Bloguer pour mener et inspirer
Il faut prendre le risque de contribuer à ce qui se passe dans le monde de l’éducation. Trop de professionnels de l’éducation se plaignent de subir les décisions des instances. Bloguer offre une voix dans l’immensité. Peut-être votre voix sera-t-elle étouffée par la surabondance médiatique qui caractérise notre époque, mais au moins, vous aurez su vous exprimer, ce qui est déjà mieux que de demeurer inerte et muet. La tache est lourde : il faut prendre position pour une école renouvelée et bien ancrée dans le siècle actuel.

Le monde de l’éducation a besoin de leaders visionnaires et mobilisateurs. Le blogue est l’espace parfait pour exercer ce rôle : on y consigne des mots qui se traduisent par des actions autant chez le blogueur que chez le lecteur. Le but ici est de réinvestir ces idées dans la pratique, et ce, rapidement. Autrement dit, le blogue est un outil d’aujourd’hui pour diffuser les idées actuelles qui façonnent un système scolaire en pleine mutation !

En ce sens, le blogue professionnel en éducation est à la fois un miroir et un phare : un miroir pour celui qui rédige et qui adopte une posture réflexive et un phare qui éclaire ceux qui émergent de la grande noirceur d’un monde de l’éducation dépassé qui cherche à justifier sa nature ancestrale. C’est ceux-là qui doivent être guidés. Entre-temps, n’oublions pas :

la croissance nait de la passion, de la lumière et du bruit.

Il est inévitable de devoir déranger et il y aura toujours des personnes qui tenteront de vous éteindre. Au moins, vous saurez où vous abreuver pour retrouver l’énergie qu’il vous faut pour persévérer !

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