N’importe qui peut enseigner

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Visiblement, l’écart continuera toujours de croitre dans les pratiques des milliers d’enseignants québécois et, contrairement à ce qu’on peut penser, ce n’est pas la technologie qui en est la nature, mais bien la conception de l’éducation de ces mêmes enseignants qui est en cause. Ceux-là mêmes qui, encore et toujours, se tiennent debout devant leur classe, calcifiés, craie à la main en répétant toujours les mêmes choses, au même moment, année après année.

Ces automates-en-chef-qui-forment-des-automates-en-devenir
Au diable l’autonomie professionnelle de l’enseignant qui choisit ses approches et ses outils! Plutôt, il doit appliquer des recettes datant des années 1600 et d’autres issues des années 1900 sans remettre quoi que ce soit en question. Exit la pratique réflexive! La culture et la tradition doivent avoir préséance coûte que coûte et elles doivent déterminer comment l’enseignant doit enseigner. Avec cette conception de l’enseignement, à quoi bon imposer quatre années d’université? Avec cette conception de l’enseignement, n’importe qui peut enseigner! L’important est qu’il ait des histoires à raconter et qu’il puisse faire état de l’immensité de ses connaissances! Point final. Le discours, enflé d’une inépuisable rhétorique n’a pas à être connecté sur les besoins des élèves. Vu qu’il se fait sans appareils numériques, il est automatiquement connecté sur l’élève… vous savez, rien de mieux qu’un bon lien d’humain à humain sans intermédiaire. Comme si le pédantisme ne constituait pas une entrave pédagogique en soi!

Cette outrecuidance (ou naïveté éduquée) pousse même ces maîtres de l’axiomatique à prétendre développer l’esprit critique de leurs élèves… tant qu’ils font exactement ce qui leur est demandé.

Les élèves incultes
Justement, et l’élève là-dedans? Bah, il est inculte et absorbé par un contenu éphémère d’une pop culture disponible et relayée par ses appareils numériques. Il est une honte à notre glorieuse civilisation. C’était tellement mieux dans la Grèce antique…

Et la rétroaction? On s’en fout… souvenez-vous que l’activité pédagogique ne va que dans un sens: celui de l’enseignant vers ses élèves.

Et la collaboration? Ha! Les élèves perdent leur temps en groupe et ils ne savent pas travailler en équipe (Notez l’ironie ici: ils ne savent pas faire quelque chose, personne ne leur enseigne comment le faire et, en plus, on les critique de ne pas savoir comment le faire!)!

Et la différenciation pédagogique? Si les élèves se forçaient en classe et qu’ils faisaient leurs devoirs, on n’aurait pas besoin de différencier!

Et la formation continue des enseignants? Avez-vous vraiment besoin de formation si vous faites toujours les mêmes recettes?

Vous en avez assez?
Vous êtes exaspéré de lire ces inepties dans les journaux ou sur internet? Moi, non. Voici pourquoi :

1. Je m’attends à lire cela. Et on n’a pas fini!
2. Les positions rétrogrades soutenues par ces auteurs dépassés par l’avancement social, ne sont habituellement pas celles du commun des enseignants. Ce sont des commentateurs qui demeurent dans les idées et qui ne feraient certainement pas long feu dans une classe. Ils rejoignent une minorité d’enseignants qui se sentent réconfortés par des idées. Vous savez, ces enseignants qui, depuis 15 ans, prédisent l’échec de la Réforme…?
3. La pratique universitaire commence à prendre le virage de l’enseignement au 21e siècle. Lorsque je lis les travaux de professeurs comme Margarida Romero, Thérèse Laferrière, Thierry Karsenti, Éric Morissette, Robert David (ainsi que plusieurs autres), je me dis que nous sommes sur la bonne voie!
4. Le monde de l’éducation est en pleine mutation et à tous les jours, des enseignants prennent le virage du changement. Ils changent leurs approches, leurs outils didactiques, l’aménagement de leur classe, la nature de l’évaluation, etc. Il y en aura toujours qui résisteront et ce qui est rassurant, c’est qu’il y en a de moins en moins.
5. Il faut se concentrer sur ces enseignants, ceux qui sont en mouvement. Il faut les outiller et les épauler.
6. En effet, il y a de plus en plus d’enseignants qui adoptent des postures d’apprenants et qui comprennent désormais que le domaine de l’enseignement ne peut être pris pour acquis. Il est flexible, intangible, insaisissable et impossible à cerner dans sa globalité. Ils comprennent également que l’impression de détenir la vérité dans cette profession est le début de la fin, car l’étrange impression d’être au sommet de sa profession implique qu’il ne reste qu’un seul chemin à prendre: celui du déclin. Il est difficile d’accepter que certains de nos confrères font ce choix, mais au moins, ils ne sera jamais trop tard pour prendre le chemin de la prédisposition à se dépasser!

Pour en revenir à la façon dont on considère nos élèves, je me dis que si nous aspirons à être le reflet de la mentalité de croissance que nous souhaitons insuffler chez nos jeunes, il faut bien évidemment commencer par l’incarner!

Bref, si n’importe qui peut enseigner, force est d’admettre que ce n’est pas n’importe qui qui peut apprendre! Et c’est là qu’on distingue les bons enseignants du reste: ils réalisent que l’enseignement n’est pas donné à tous, mais que tous nos jeunes (et moins jeunes) peuvent apprendre. L’effet enseignant, ça va dans les deux sens!

NB: Merci à David Chartrand de ChallengeU pour la permission d’utiliser son image!

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