«Ça coute cher une imprimante 3D !»

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Vous avez probablement entendu parler que je participe à l’élaboration d’un atelier de fabrication numérique au Collège Beaubois. En plus d’avoir le sentiment de participer à une incroyable épopée pédagogique, j’ai le plaisir de travailler avec des gens fantastiques issus de divers milieux professionnels. On se bombarde mutuellement d’idées novatrices et cela nourrit l’ambition de notre projet.

Cela dit, lors d’une discussion avec Jean-François Niaison, ancien du Collège et président de SolidXperts inc., une entreprise qui se spécialise dans les technologies 3D, nous discutions des différents modèles d’imprimante 3D disponibles sur le marché. Je lui posais les questions habituelles d’un néophyte, notamment en ce qui concerne les prix :

  • Combien coute une imprimante 3D ?
  • Qu’est ce que le modèle bas de gamme a de moins que le modèle suivant et qui coute deux fois le prix ?
  • Quel est le cout des recharges de plastique ?
  • Quel est le cout des objets fabriqués (plastique, amortissement, entretien, etc.) ?

Ma réaction fut automatique et rapide : wow, c’est vraiment cher tout ça !

Un clivage

Sa réponse m’a fait comprendre qu’il existe véritablement un important clivage de culture entre le milieu entrepreneurial et celui de l’éducation…

Il m’a répondu, avec toute la patience du monde :

Non, ce n’est pas cher. Auparavant, les entreprises devaient développer un moule, le mettre à l’épreuve et développer un prototype, pour ensuite refaire d’autres moules jusqu’à la version finale. Cela était très long et coutait une fortune aux entreprises. Désormais, le dessin 3D (par exemple SolidWorks) jumelé à l’impression 3D permet de raccourcir le processus et de sauver beaucoup d’argent.

Cela implique que les entreprises épargnent d’importantes sommes en ressources matérielles et financières, mais aussi en main d’œuvre et en temps. Un investissement d’une dizaine de milliers de dollars permet d’épargner quelques centaines de milliers de dollars. L’équation est facile à faire et le choix aussi ! Du moins, pour les entreprises !

Ce petit dialogue m’aura permis de comprendre bien des choses.

Dans le monde de l’éducation, c’est le contraire. Se doter de tels outils est une dépense. Point à la ligne. Il n’y a aucun gain pécuniaire à prévoir. On voit tout de suite les deux réalités qui s’affrontent !

Dans notre milieu de l’éducation, où l’approche comptable a fini par induire une rareté des ressources, autant humaines que matérielles, cela laisse peu d’espace à l’instauration d’espaces de type d’ateliers de fabrication. Pourtant, en juin 2015, un rapport de NMC Horizon, cité en clôture du congrès américain de l’ISTE, indiquait que dans un proche avenir, soit d’ici environ un an, les ateliers de fabrication numérique (Makerspaces) deviendraient monnaie courante dans les milieux scolaires américains.

Ma réaction face à ces couts démontre bien le malaise de l’école québécoise à se doter de divers outils technologiques. Dans le fond, ce que nous faisons est de rendre des outils de pointe au service de l’élève pour leur permettre essentiellement trois choses :

  • Apprendre à utiliser des outils technologiques qu’ils risquent fort de devoir réutiliser au cégep, à l’université ou sur le marché du travail. Cela donne un avantage aux élèves sur ceux qui n’auront jamais pu le faire.
  • Sortir du théorique pour aller dans le concret et apprendre en ayant les deux mains à la pâte.
  • Réactiver cette roue qui a trop longtemps été à l’arrêt en éducation : curiosité-créativité-inventivité-entrepreneuriat-diffusion et mise en valeur. Le tout, en réalisant que l’apprentissage se réalise bien souvent à l’extérieur des manuels ou d’un TNI !

Bref, nous contribuons à la démocratisation de ces outils en les rendant accessibles à nos élèves.

Au-delà de la logique comptable

Bien évidemment, il est important de bien planifier les dépenses d’une école et je n’encourage personne à dilapider ses ressources financières. Mon estimé collègue enseignant s’est d’ailleurs penché sur le sujet. Mais, dans le fond, on ne pourra probablement jamais entrer en compétition avec les entreprises au niveau de la technologie. Du moins, pas tant et aussi longtemps que le système éducatif sera autant dépourvu d’ambition et de vision. Pour eux, c’est une condition de survie et de compétitivité alors que, pour nous en éducation, c’est le premier élément qui prend le bord lorsqu’il est question de faire arriver la colonne des revenus avec celle des dépenses. Je sais que la pensée entrepreneuriale en fait frémir plusieurs en éducation, mais je crois qu’il y a des éléments que nous pouvons importer dans le paradigme de l’école québécoise.

Et si c’était la même chose en éducation et que c’était une question de survie ? Que les ateliers de fabrication numérique étaient des façons de diminuer le décrochage des élèves et des garçons en particulier ? Et si c’était une façon d’intéresser les filles à l’ingénierie ? Et si c’était une occasion d’établir des liens entre les écoles, des partenariats avec diverses entreprises ? Et si c’était un pont entre les générations (j’y reviendrai dans un billet ultérieurement) ? Et si ça donnait le gout aux élèves de se lever le matin pour venir à l’école afin de prendre part à un grand projet transversal et multidisciplinaire ? Quand on y pense, l’école de demain est résolument aujourd’hui et l’éducation est définitivement un service qui n’a de valeur qu’en termes qualitatifs.

Investir dans un atelier de fabrication numérique est un investissement dans l’apprentissage expérientiel. C’est donner la chance (car oui, pour l’instant, c’est malheureusement une chance…) de redéfinir le rapport que les élèves entretiennent avec leur propre environnement. Dans les prochaines années, ces ateliers seront présents dans les écoles tout comme les portables, tablettes, TNI et autres technologies le sont aujourd’hui. Il serait triste qu’ils soient légion aux États-Unis et au Canada anglais et, qu’encore une fois, le Québec traine de l’arrière à cet égard…

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